seul successeur et que celui-ci à son tour les fasse connaître chaque fois à qui le remplacera. De cette manière cette cité que tu habites, tu la préserveras des ravages des Fils du Sillon. Nombreux sont les États, même bien gouvernés, qui se laissent facilement égarer. Si les dieux ne voient que tard, ils voient cependant clairement celui qui négligeant leur volonté se laisse aller à la folie. Ne t’expose pas, fils d’Égée, à un pareil malheur : d’ailleurs, je ne t’apprends que ce que tu sais. Vers le lieu de ma mort, car le signe envoyé par le dieu est là qui me presse, acheminons-nous maintenant et n’ayons plus d’hésitation. Mes filles, suivez-moi jusque-là. Voici qu’à mon tour je deviens pour vous un guide nouveau, comme vous avez guidé votre père. Marchez, ne me prenez pas la main ; laissez-moi trouver tout seul le tombeau sacré, où le destin veut qu’en cette terre je sois enseveli. Par ici, oui, allez par ici : c’est par ce chemin que me mène Hermès, conducteur des âmes, et la déesse des Enfers. O lumière, nuit profonde à mes yeux, naguère tu existais encore pour moi, et maintenant c’est pour la dernière fois que tes rayons me touchent[1] ! Déjà je m’achemine pour aller cacher dans l’Hadès ce qui me reste de vie. O le plus cher des hôtes, toi, ce pays-ci, tes sujets, puissiez-vous être heureux, et au milieu de votre prospérité, éternellement fortunés, souvenez-vous de moi quand je ne serai plus !
Le Chœur. — S’il m’est permis d’honorer par des prières la déesse invisible et toi, roi des êtres de la nuit, Hadès, Hadès, je t’en supplie, que l’étranger n’arrive pas, pour un
- ↑ Œdipe, en quittant la lumière, ne peut pas lui adresser un adieu ordinaire, d’où l’expression : ὦ φῶς ἀφΕγγές (litt. : lumière obscure.)
parait maintenant devoir se réaliser, car il se souvient encore des menaces qu’à formulées Créon, en quittant la scène. (Cf. v. 1037.)