Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/413

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dieu des troupeaux et des pasteurs. Tels sont, du moins, les faits racontés dans l’Hymne, mais dans notre texte ils s’arrêtent au moment où l’on entrevoit à la XVIe ou plutôt à la XVIIe colonne du papyrus, que les génisses sont retrouvées et qu’Apollon donne aux Satyres et à Silène la récompense qu’il leur avait promise.

Il faut regretter l’absence d’Hermès. Il incarnait divinement l’intelligence adroite, créatrice, artiste. Ce sont des qualités qui n’étaient pas étrangères à Sophocle. Celui-ci le prouve bien par l’effet extraordinaire que produisent sur ses personnages les sons, qu’ils n’ont jamais encore entendus, de la lyre divine. Elle fait oublier à l’enfant qui l’a inventée tout chagrin, en le plongeant dans une joie qui le met hors de lui ; elle fait surgir devant les yeux de ceux qui l’écoutent une floraison de visions brillantes[1]. Il y a là dans la pièce quelques vers significatifs. La lyre a toujours été chez les Grecs l’instrument national par excellence, et Sophocle en jouait mieux que personne[2]. Sans doute, elle nous paraît aujourd’hui pauvre, sans sonorité, sans ampleur, mais ses sons, parce qu’ils sont purs et graves, et aussi, comme on l’a si bien dit, « parce qu’ils ont je ne sais quel air de sérénité vraiment virile[3] » ont enchanté ce peuple jeune. Un dieu seul pouvait inventer cet instrument divin, Hermès, ce prodigieux nouveau-né que cherche le chœur avec tant de passion, de cris, de gambades, et sur lequel veille la douce Cyllène avec un mélange si savoureux de tendresse et d’épouvante.

Le Cyclope a 709 vers. Il est probable que les Limiers étaient d’une longueur analogue. Nous n’en avons donc guère que la moitié, la première. Et de ces quatre cents vers

  1. Limiers, 317 sqq. Je comprends les vers 322 sq. comme Allègre, loc. cit. p. 241. C’est aussi le sens préféré par Pearson.
  2. Voir le βίος, § 5. — Ce que Sophocle a fait pour le Thamyris, où il jouait lui-même de la cithare sur la scène, peut avoir été renouvelé par lui sous le masque d’Hermès. Cf. Wilamowitz (loc. cit. p. 461) qui rappelle l’exemple d’Amphion dans Euripide (Fragm. 1023).
  3. A. Croiset, Hist. de la Litt. gr. II, p. 23.