Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté de son père. Quant à la voix frémissante, sortie d’un invisible instrument, qui t’a si fort ahuri et dont tu me demandes la cause, tout seul, en un jour, il a imaginé de la tirer d’une carcasse retournée. Oui, c’est d’une bête morte qu’il a pris ce vaisseau qui l’abreuve de plaisir et qu’il fait retentir sous terre.


Avec lenteur.

Le Chœur. — (Antistrophe mutilée où les satyres exprimaient leur surprise et déclaraient ne pas pouvoir croire qu’une telle voix sortît d’une bête sans vie.)

Cyllène. — Ne sois pas incrédule : tu peux croire la déesse qui te parle et te sourit[1].

Le Coryphée. — Et comment pourrai-je admettre que d’un mort retentisse une voix pareille ?

Cyllène. — Crois-moi : morte, la bête a eu de la voix ; vivante, elle était muette.

Le Coryphée. — Quelle forme avait-elle ? Était-elle allongée, bombée, courte ?

Cyllène. — Courte, en forme de marmite, la peau bigarrée, toute ramassée.

Le Coryphée. — Dans le genre d’un chat, peut-être, ou d’un léopard ?

Cyllène. — La différence est grande d’elle à eux, car elle est toute ronde et courte de jambes.

Le Coryphée. — Elle ne ressemble pas non plus à un ichneumon, ni à un crabe ?

Cyllène. — Tu n’y es pas encore ; trouve une autre comparaison.

Le Coryphée. — Alors elle est donc pareille à un escarbot cornu de l’Etna ?

  1. Ce dialogue est écrit en tétramètres iambiques : voilà ce qu’il y a de plus original dans la métrique des Limiers. Il faut même avouer que la découverte est tout à fait inattendue, car dans tous les vers, — environ cinquante mille, sans les fragments, — dont se compose aujourd’hui l’œuvre des tragiques, cette sorte de dialogue