Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/66

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l’avais enfermé avec soin dans le palais et j’en ai teint cette tunique, sans rien oublier de ce qu’il m’avait prescrit de vive voix. La chose est terminée. Puissé-je ne jamais savoir, puissé-je ne jamais apprendre les audaces criminelles, et je hais celles qui ont le front de s’y livrer ! Mais par des philtres, par des charmes qui enchantent Héraclès, essayer de triompher de cette jeune fille, voilà l’acte que j’ai accompli, si vous ne le trouvez pas inconsidéré ; sinon, j’y renoncerai.

Le Coryphée. — Si tu as quelque confiance dans les moyens que tu emploies, tu ne parais pas à mes yeux blâmable en tes desseins.

Déjanire. — Ma confiance n’est qu’une présomption, et je ne l’ai pas encore mise à l’épreuve.

Le Coryphée. — Il faut savoir par expérience, car même en croyant au succès tu ne peux avoir de certitude, si tu n’as pas fait d’essai.

Déjanire. — Nous le saurons vite. J’aperçois Lichas déjà sur le seuil de la porte : il va bientôt se mettre en route. Je vous demande seulement de ne pas découvrir mon secret : une action même honteuse, si elle est accomplie dans l’ombre, ne précipite jamais celui qui la fait dans le déshonneur.

Entre Lichas.

Lichas. — Que faut-il faire ? Dis-le-moi, fille d’Œnée, car j’ai déjà trop longtemps différé mon départ.

Déjanire. — Mais justement c’est à cela que je m’occupais, Lichas, tandis que dans le palais tu t’entretenais avec les étrangères : prends cette fine tunique, c’est un don de ma main que je fais à mon mari. En la remettant, recommande-lui que personne ne s’en couvre le corps avant lui :


    Héraclès pouvait être à quelques pas de Nessos, et, s’il avait déjà gagné l’autre rive, il prouva cette fois, malgré l’affirmation d’Eurytos (cf. v. 266) qu’il n’était pas un maladroit. D’ailleurs l’Evénos