Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/103

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Sur le mont Cithéron ensemble nous passions[1] ;
Ce n’était que l’hiver que nous nous retirions.
N’est-il pas vrai ?

PHORBAS.
Cela peut être véritable,

Mais depuis lors on compte un temps considérable.

LE BERGER.
Il te souvient aussi du jeune infortuné

Qu’afin de l’élever ta pitié m’a donné ?

PHORBAS.
Pourquoi ces questions, berger, je t’en conjure ?

Ce que tu dis, pour moi n’est qu’une énigme obscure.

LE BERGER.
Ami, ce jeune enfant que tu m’avais remis...

Le voici.

PHORBAS.
Misérable, ah ! tais-toi , je te dis[2]...

Ou que les Dieux sur toi signalent leur vengeance !

  1. Il ne peut avoir oublié que nous passions sur le Cithéron les trois saisons de l’année, depuis le printemps jusqu’à la fin de l’automne. Telle est l’interprétation du Scoliaste, de Dacier et d’Orsatto. L’Arcturus, étoile voisine de la grande Ourse, d’après M. Bekker, dans la constellation du Bouvier, se lève, suivant Pline, II, 47, onze jours avant l’équinoxe d’automne, ou, selon le scoliaste grec, dans le signe de la Vierge. Selon la leçon adoptée par Schœfer, Porson et Elmsley, le sens est : il y a six mois, entre le commencement du printemps et le lever de l’Arcturus, ou les premiers jours de l’automne, où la queue de l’Ourse paraissait sur l’horizon. Il s’agit probablement ici de trois saisons entières de six mois chacune, c’est-à-dire de trois années consécutives. V. le comm. de M. A. Scheler, p. l93.
    MM. Artaud et Clipet, traduisent : « depuis LA FIN du printemps jusqu’au lever de l’Arcture. »
    Un assez bon traducteur allemand, en prose, M. Thudychum traduit « drei völlige sechsmondenzeiter, zum Arkturos hin vom Lens. »
    Notre version s’appuie sur la vraisemblance dramatique, car s’étant connus pendant trois saisons de six mois, il y avait, après ce laps de temps, plus de possibilité que les deux bergers se reconnussent.
  2. Le berger, craignant de courroucer le roi en constatant la vérité, ou saisi d’horreur en prévoyant les suites de la pitié qu’il avait eue pour le nouveau-né destiné à la mort, dissimule toute connaissance des faits et conjure son complice d’en faire autant.