Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/124

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Que vont-elles, hélas ! désormais devenir ?
Puisses-tu leur créer un heureux avenir[1] !
Que je les touche encore et déplore avec elles
Du sort qui m’accabla les rigueurs trop cruelles ;
Mes enfants de mes maux portent aussi le poids ;
Laisse-les m’embrasser pour la dernière fois !
O prince ! en les serrant, sur ma poitrine émue,
Il pourra me sembler peut-être qu’à leur vue
Mes yeux se sont rouverts !... Mais quelle voix, seigneur,
A frappé mon oreille ? et quels cris de douleur ?...
Créon a-t-il été touché de mes misères ?
Ne sont-ce point les cris de mes filles si chères ?
Ah ! si je disais vrai ! si c’étaient mes enfants ?


Scène IV.

LES MÊMES, LES FILLES D’ŒDIPE.
CRÉON.
Oui, seigneur, les voilà ! De tes maux accablants,

De ton sort trop cruel, mon âme déchirée
T’accorda cette grâce ardemment implorée.

ŒDIPE.
Ah ! puisses-tu jouir d’un règne plus heureux

Que le mien ! Que les Dieux daignent combler tes vœux !...
O mes filles ! mes sœurs ! touchez ces mains sinistres[2]
Et qui, de mes fureurs exécrables ministres,

  1. Œdipe, ne pouvant donner des conseils à ses filles trop jeunes, se borne à des vœux pour elles et avec elles. (V. p. 119 à la fin.)
  2. O mes filles !... mes sœurs !... Voilà une des beautés fortes et originales que n’a point rendues Chénier. Il omet sans raison cette exclamation la plus pathétique et la plus terrible d’Œdipe embrassant ses enfants et les rejetant malgré lui de son sein paternel.