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CRITIQUE
DE L’ŒDIPE-ROI DE SOPHOCLE
ET DE L’ŒDIPE DE SES PRINCIPAUX IMITATEURS


L’Œdipe-Roi de Sophocle a passé constamment et avec raison pour le chef-d’œuvre de la tragédie ancienne, comme le Laocoon, l’Apollon du Belvédère et la Vénus de Médicis en fait de sculpture, ou l’Iliade d’Homère pour la poésie épique.

Euripide, qu’on a surnommé le τραγικώτατος, le plus tragique, a composé aussi un Œdipe, mais il en reste si peu de fragments que nous ne pouvons en juger.

Quant à Sophocle, il a résolu dans son Œdipe-Roi ce beau problème : amener et conduire dans un seul lieu et dans un seul jour un seul événement que l’esprit conçoive sans fatigue et où le cœur s’intéresse par degrés. Plus cette simplicité est difficile, plus elle charme, surtout quand, avec le plus sage artifice, un fil inimitable lie les scènes les unes aux autres et les moindres morceaux entre eux.

Voilà ce que Sophocle a exécuté avec un génie et dans un style admirables. En effet, au mérite d’une expression vive, colorée et brillante qui distingue les langues à la formation desquelles l’imagination surtout a présidé, le grec de Sophocle, comme celui d’Homère, de Platon, d’Hésiode, unit l’avantage d’une heureuse abondance de mots et de tours, d’expressions et d’images : il est la langue des philosophes aussi bien que celle des poètes. Le grec de Sophocle est, selon les circonstances, vif et précis, riche et harmonieux, éloquent et sublime, varié et énergique, parfois simple et touchant, naïf et majestueux, élégant et mâle, délicat et profond, clair et facile, mais toujours convenable, pur et correct ; on pourrait même dire qu’il