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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/56

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TIRÉSIAS.
Triste fatalité !

Ce jour va t’engendrer et t’arracher la vie[1].
 

ŒDIPE.
Discours vains et confus ! La raison t’est ravie !


TIRÉSIAS.
Ces énigmes, jadis, tu pouvais les sonder.


ŒDIPE.
Oui, sur elles j’ai vu ma gloire se fonder.


TIRÉSIAS.
Ta perte fut le fruit de ce triste avantage.


ŒDIPE.
Qu’importe ? j’ai sauvé Thèbe, on m’en rend hommage.


TIRÉSIAS.
Je me retire ; adieu... qu’on me mène chez moi.


ŒDIPE.
Laisse-nous, ton aspect seul nous remplit d’effroi.


TIRÉSIAS.
Je sors, mais en partant, sans craindre ta présence

Je dirai tout ce dont mon art a connaissance :
Tu ne peux rien sur moi, je le dis : L’assassin
Que depuis si longtemps tu ne cherchas qu’en vain,

  1. Ce jour-ci t’engendrera et te détruira, c’est-à-dire tu te connaîtras toi-même. Voltaire a dit :
    Ce jour te donnera la naissance et la mort.

    Ce vers prophétique est aussi admirable dans l’imitateur que dans l’original. Le vers de Sophocle, dont le nôtre approche beaucoup plus, fait voir combien la langue grecque était plus hardie que la langue française dans son expression. Le vers de Voltaire montre comment on imite avec bonheur. Nous aurions pu dire encore :

    Ce jour va te donner et la vie et la mort.