Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/77

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JOCASTE.
Ce prince populaire

N’avait qu’un simple char, malgré son rang si haut ;
Et quatre serviteurs, sans compter le héraut
Formaient toute sa suite.

ŒDIPE.
O rencontre cruelle !

Tout s’éclaircit enfin ; cette horrible nouvelle
Qui te l’a rapportée ?

JOCASTE.
Un seul homme est resté

De tous ceux dont Laïus se trouvait escorté.

ŒDIPE.
Est-il en ce palais ?


JOCASTE.
Non, car cette demeure,

Dès le jour où Laïus a vu sa suprême heure,
Depuis que sur le trône on vous a vu monter,
Il a formé le vœu, seigneur, de la quitter
Pour soigner les troupeaux, et sous un toit rustique[1]
Fuir Thèbes à jamais. Fidèle domestique,
C’était une faveur qu’il devait recevoir.

ŒDIPE.
Au plus tôt en ces lieux je brûle de le voir.


JOCASTE.
D’où vient ce vif désir qu’on le fasse paraître ?


ŒDIPE.
Au fond du cœur, madame, oui, je crains que peut-être

On ne m’en ait trop dit[2].

  1. En baisant ma main, il me supplia de l’envoyer aux champs... Cette petite circonstance n’est point indifférente ; elle peint la réserve d’un serviteur fidèle qui s’éloigne sans vouloir s’expliquer ; et qui, par un geste de tendresse, exprime la douleur secrète dont il est pénétré.
  2. Je crains que beaucoup trop n’ait été dit par moi, ou à moi, ou pour moi. Le sens adopté par Brumoy et par bien d’autres est : Je crains bien qu’on ne m’en ait trop dit, ou qu’on ne m’ait dit trop vrai. Le texte est équivoque.