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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/80

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Ont frappé sans pitié. Suis-je donc né coupable ?
Né pour être ici-bas un mortel exécrable ?
Mais quoi ! forcé de fuir, reverrai-je les miens ?
Retournerai-je hélas ! parmi les Corinthiens ?
Je m’expose à m’unir, par un horrible inceste,
À ma mère, et de plus, sort injuste et funeste !
Je pourrais en rentrant dans ce fatal séjour,
Faire périr celui qui m’a donné le jour.
Destin impitoyable ! ô fortune ennemie !
Est-ce d’un Dieu cruel la vengeance inouïe ?
Fasse des Immortels la sainte majesté
Qu’un pareil jour de moi soit sans cesse écarté !
Et que je disparaisse à jamais de la terre
Avant de voir souillée ainsi ma vie entière !

LE CHŒUR.
Prince, ce que j’apprends me glace de terreur,

D’espérance pourtant il reste une lueur.

ŒDIPE.
Pour moi, dans ce berger est mon espoir unique.


JOCASTE.
Et qu’attends-tu, dis—moi, que sa présence explique ?


ŒDIPE.
Écoute, s’il confirme en tout point ton récit,

Il va rendre l’espoir, le calme à mon esprit.

JOCASTE.
Que vois-tu donc qui puisse être à ton avantage

Dans mes discours ?

ŒDIPE.
Laïus, si j’en crois le langage

De ce berger, tomba sous les coups inhumains,
De brigands ; s’il s’agit de plusieurs assassins,
Je ne puis m’imputer cet exécrable crime ;
Mais si, sous un seul homme a tombé la victime,
Tout s’éclaircit alors, je suis le criminel.