Aller au contenu

Page:Sophocle - Philoktètès, 1896, trad. Quillard.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
PHILOKTÈTÈS

car il n’y a pas de port, ni d’endroit où trafiquer ou recevoir l’hospitalité. Aussi tes hommes avisés n’y viennent pas sur leurs navires. Parfois on y aborde malgré soi, car de telles aventures arrivent à l’homme dans un long espace de temps. Ceux qui abordent ainsi, ô enfant, s’apitoient sur moi en paroles et me donnent par compassion, un peu de nourriture ou des vêtements ; mais ce que personne ne veut, quand j’en parle, c’est me mener vivant dans ma patrie et je péris malheureux — cette année est la dixième ! — dans la faim et dans les maux, nourrissant le mal vorace. Voilà ce que m’ont fait, ô enfant, les Atrides et la violence d’Odysseus. Que les dieux olympiens leur donnent un jour de souffrir des douleurs vengeresses des miennes.

LE CHŒUR

Et moi aussi, fils de Pœas, je dois te plaindre comme les étrangers qui ont abordé dans l’île.

NÉOPTOLÉMOS

Et moi, témoin de tes paroles, je sais qu’elles sont vraies, moi qui ai éprouvé la cruauté des Atrides et la violence d’Odysseus.

PHILOKTÈTÈS

Comment ! toi aussi, tu as un grief contre les Atrides funestes et tu t’irrites d’une injure qu’ils t’ont faite.

NÉOPTOLÉMOS

Puissé-je un jour assouvir ma colère avec mon bras pour que Mykénai et Spartè sachent que Skyros aussi est la mère d’hommes vaillants !