Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/168

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ŒDIPE.

Je l’ai aussi entendu dire ; mais personne ne connaît de témoin.

LE CHŒUR.

Mais le coupable, s’il est accessible à la crainte, lorsqu’il connaîtra tes imprécations si terribles, ne persistera-t-il pas dans son silence ?

ŒDIPE.

Celui que le crime n’effraie point, ne craint pas les paroles.

LE CHŒUR.

Mais il y a quelqu’un qui saura bien le découvrir ; voici en effet qu’on amène ici le divin prophète, qui, seul entre les mortels, a le don de la vérité.

ŒDIPE.

O Tirésias, toi dont l’esprit embrasse tout, et les sciences humaines et les secrets des dieux, et les choses du ciel et celles de la terre, bien que privé de la vue, tu sais cependant quel fléau désole cette cité ; en toi seul, ô prince[1], nous trouvons pour elle un appui et un sauveur. Apollon, si mes envoyés ne te l’ont pas appris, a répondu à notre demande, que le seul remède à cette contagion serait de découvrir les meurtriers de Laïus, et de les faire périr, ou de les bannir de cette contrée. Toi donc, ne nous refuse pas ton secours, consulte le vol des oiseaux et les autres ressources de l’art prophétique, sauve Thèbes et toi-même, sauve-moi, et purifie-nous de toutes les souillures du meurtre. Car en toi est notre espoir ; servir les hommes, de toutes les ressources que donnent le savoir et la puissance, est le plus glorieux des travaux.

TIRÉSIAS.

Hélas ! hélas ! que la science est un présent funeste,

  1. Ἄναξ. Déjà plus haut, v. 284, le Chœur disant que Tirésias partage avec Apollon la science de l’avenir, l’appelle άνακτα, comme le dieu lui-même.