Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/198

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sang de mon père[1]. C’est cette crainte qui m’a tenu longtemps éloigné de Corinthe ; heureux exil ! cependant il est bien doux de voir les auteurs de ses jours.

LE MESSAGER.

Ce sont donc là les craintes qui t’exilèrent de notre cité ?

ŒDIPE.

Ce fut aussi, vieillard, pour ne pas devenir le meurtrier de mon père.

LE MESSAGER.

Pourquoi donc ne dissiperais-je pas tes craintes, ô prince ? car je suis venu avec le désir de te servir.

ŒDIPE.

Assurément tu obtiendrais de moi la reconnaissance que tu mérites.

LE MESSAGER.

En effet, je suis venu surtout dans l’espoir d’être récompensé par toi, après ton retour à Corinthe.

ŒDIPE.

Mais je ne retournerai jamais près de ceux qui m’ont donné le jour.

LE MESSAGER.

O mon fils, évidemment tu ne sais pas ce que tu fais.

ŒDIPE.

Comment, ô vieillard ? au nom des dieux explique-toi.

LE MESSAGER.

Si c’est là le motif qui t’éloigne de ta patrie.

ŒDIPE.

Je crains que l’oracle d’Apollon ne soit reconnu véridique.

LE MESSAGER.

Est-ce de porter une main sacrilège sur les auteurs de tes jours ?

  1. Ἑλεῖν αἷμα πατρῷον, « prendre le sang de mon père. » — Corneille a dit, dans le Cid, acte I :
    Achève et prends ma vie après un tel affront.