Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/213

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fidèle à me servir ? car tu oses encore prendre soin de moi, tout aveugle que je suis. Hélas ! hélas ! Je ne me trompe pas, et, malgré les ténèbres qui m’environnent, j’ai du moins reconnu ta voix.

LE CHŒUR.

O terrible résolution ! Comment as-tu eu le courage de t’arracher ainsi les yeux ? Quel dieu a poussé ton bras ?

ŒDIPE.

(Strophe 2.) Apollon, mes amis, oui, Apollon est la cause de mes maux, de mes cruelles souffrances. Mais ce n’est pas sa main qui m’a frappé, c’est moi seul ; car que me servait de voir, lorsque je ne pouvais rien voir que d’affligeant ?

LE CHŒUR.

Les choses sont en effet comme tu le dis.

ŒDIPE.

(Strophe 3.) Que pourrais-je donc voir encore, aimer, entendre avec plaisir, ô mes amis ? Chassez-moi de cette terre au plus vite ; délivrez-la de ce fléau, de ce monstre chargé de la haine des hommes et des dieux.

LE CHŒUR.

O Œdipe, doublement malheureux et par ta misère, et par le sentiment que tu en as, plût aux dieux que je ne t’eusse jamais connu !

ŒDIPE.

(Antistrophe 2.) Périsse celui qui me délivra des entraves douloureuses de mes pieds, m’arracha à la mort et me sauva ! car alors j’aurais péri, et je ne serais pas pour mes amis et pour moi un éternel sujet de douleur.

LE CHŒUR.

Moi aussi je m’unis à ton vœu.

ŒDIPE.

(Antistrophe 3.) Je n’aurais pas été le meurtrier de mon père, ni l’époux de celle qui m’a donné le jour. Mais aujourd’hui, abandonné des dieux, fils de parents impurs, j’ai eu des enfants de celle même dont je suis né ;