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ŒDIPE.

Appui de ma vieillesse !

ANTIGONE.

Triste appui d’un malheureux !

ŒDIPE.

Je possède ce que je chéris le plus, à présent je ne mourrai pas le plus infortuné des mortels, si vous êtes près de moi. Serrez-vous l’une et l’autre contre mon sein, pressez votre père, sauvé du triste abandon où le réduisait votre absence. Cependant, faites-moi un court récit de ce qui s’est passé, car la brièveté convient à votre âge.

ANTIGONE.

Voici notre sauveur ; il convient de l’écouter, mon père, et pour nous deux ma tâche sera courte.

ŒDIPE.

O étranger, ne t’étonne pas si, au retour inespéré de mes enfants, je prolonge à l’excès la joie de l’entretien. Car, je le sais, ce plaisir de les revoir, je ne le dois pas à un autre qu’à toi. C’est toi seul, et non aucun autre mortel, qui as sauvé mes filles. Puissent les dieux exaucer les vœux que je forme pour toi et pour cette contrée ! Car j’ai trouvé chez vous seuls la piété, la justice et un langage sincère. Touché de ces bienfaits, je t’en rends grâces par mes paroles, car à toi je dois ce que j’ai, et à nul autre mortel. O roi, présente-moi la main, permets que je baise ton front. Mais pourtant, que dis-je ? comment, impur comme je le suis, voudrais-je toucher un homme tel que toi, moi à qui nulle souillure n’a été épargnée ? Non, je ne le veux point, et de toi je ne le souffrirai pas. Ceux-là seuls qui en ont la triste expérience peuvent compatir à une telle infortune. Toi donc, reçois d’ici mes vœux, et continue de m’accorder ton juste appui, comme tu l’as fait en ce jour.

THÉSÉE.

Je n’ai pas été surpris que la joie de revoir tes filles ait prolongé tes discours, et que tes premières paroles