Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/317

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vous serez d’abord pendus tout vifs, si vous ne révélez le coupable, afin de vous apprendre quels sont les gains légitimes, et que désormais, dans vos rapines, vous sachiez qu’il ne faut pas vouloir gagner de toutes les manières. Vous reconnaîtrez alors que les profits déshonnêtes engendrent plus de malheurs que de prospérités.

LE GARDE.

Me permettras-tu de dire un mot ? ou dois-je m’en retourner ainsi[1] ?

CRÉON.

Ne sais-tu pas encore à quel point tes discours me fatiguent ?

LE GARDE.

Sont-ce les oreilles ou le cœur qu’ils blessent ?

CRÉON.

Pourquoi subtiliser[2] ainsi sur l’endroit où tu me blesses ?

LE GARDE.

Le coupable tourmente ton cœur, et moi ton oreille.

CRÉON.

Ah ! tu es vraiment la loquacité[3] même.

LE GARDE.

Au moins ce n’est pas moi qui suis l’auteur du crime.

CRÉON.

Et c’est pour de l’argent que tu as livré ta vie.

LE GARDE.

Ah ! il est vraiment fâcheux, quand on soupçonne, de soupçonner à faux.

  1. Στραφεὶς οὕτως : Le mot ainsi devait être expliqué par un geste de l’acteur se disposant à tourner le dos.
    Comme dans Tartufe, Orgon dit :
    Que je m’en soucierais autant que de cela.

    et dans le Méchant de Gresset :
    Pas plus grand que cela.
  2. τί δὲ ῥυθμίζεις : « pourquoi veux-tu fixer avec tant de précision ? »
  3. λάλημα : la chose pour la personne. Dindorf donne άλημα, nom appliqué à Ulysse par Ajax, v. 381 et 389.