Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/347

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droit sur lui ; mais c’est toi qui leur fais violence[1]. Aussi, déjà les Furies vengeresses des dieux de l’enfer et du ciel, qui marchent à la suite des criminels pour les frapper, t’épient, pour te précipiter dans les mêmes malheurs. Considère maintenant si c’est l’argent qui dicte mes paroles. Encore quelques instants, et les lamentations des hommes et des femmes retentiront dans ton palais. Déjà s’arment indignées les villes[2] des guerriers dont les chiens, les loups et les vautours ont déchiré les cadavres, et souillé d’exhalaisons fétides les autels consacrés[3]. Car tu m’as irrité ; tels sont les traits que mon ressentiment, comme un archer[4], a lancés contre toi, et dont tu n’éviteras pas les cuisantes blessures. Enfant, reconduis-moi dans ma demeure, laissons-le exhaler sa colère contre de plus jeunes, et qu’il apprenne à modérer sa langue, et à nourrir des sentiments meilleurs que ceux qui l’animent.

LE CHŒUR.

O roi ! il est parti, en nous laissant des prédictions terribles ; or, je sais, depuis que l’âge a ainsi blanchi mes cheveux, qu’il n’a jamais annoncé à Thèbes d’oracles mensongers.

CRÉON.

Je le sais comme toi, et mon cœur en est troublé. En effet, céder est dangereux, mais il n’y a pas moins de danger à s’attirer quelque désastre par la résistance et la colère.

LE CHŒUR.

Il est besoin de prudence, Créon, fils de Ménécée.

  1. En retenant le corps de Polynice.
  2. Le devin prédit ici la seconde guerre de Thèbes, dite des Epigones.
  3. Dindorf et l’édition Didot suppriment ces quatre vers, comme interpolés.
    Cette suppression ne me paraît pas suffisamment autorisée.
  4. Allusion aux premières paroles de Créon à Tirésias. Ainsi dans Œdipe Roi, v. 892, θυμοῦ βέλη, les traits de la colère. Hécube, d’Euripide, v. 578 : νοῦς ἐτόξευσεν.