Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/355

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oui, alors, un dieu courroucé contre moi est venu fondre sur ma tête, et m’a poussé dans des voies cruelles. Hélas ! il a d’un pied impitoyable renversé mon bonheur. Hélas ! hélas ! ô vains labeurs des mortels !

UN SECOND MESSAGER.

O mon maître ! dans l’état où tu es, et sous les maux qui t’accablent, tu as les uns sous les yeux[1], et les autres t’attendent dans le palais, et tu vas bientôt les voir.

CRÉON.

À quel malheur pire que ceux-ci dois-je m’attendre encore ?

LE MESSAGER.

Ton épouse est morte, en montrant sa tendresse pour ce fils qui n’est plus, par le coup fatal dont elle vient de se frapper.

CRÉON.

(Antistrophe 1.) O séjour inexorable de Pluton, pourquoi donc, pourquoi t’acharnes-tu à ma perte ? O triste messager de douleur, que m’annonces-tu ? Hélas ! hélas ! tu me donnes une seconde fois la mort ! Parle, que viens-tu m’apprendre de nouveau ? Ainsi, à la perte désastreuse de mon fils, faut-il ajouter la mort sanglante de mon épouse ?

LE MESSAGER.

Tu peux la voir ; car elle n’est plus dans l’intérieur du palais[2].

CRÉON.

Hélas ! je vois ici mon second malheur. Quel sort donc, quel sort m’est encore réservé ? j’ai entre mes bras le corps de mon fils qui vient d’expirer, et sous mes yeux un autre cadavre. O mère infortunée ! ô malheureux fils !

  1. Le corps de son fils. Voyez plus haut.
  2. Sans doute on apportait le corps, ou plutôt les portes du palais s’ouvraient, au moyen de l’ekcyclème ; comme dans Ajax, la tente, en s’ouvrant, laissait voir Ajax au milieu des troupeaux égorgés.