Tu ne penses donc pas qu’il est honteux de mentir ?
Non, si le mensonge est un moyen de salut.
De quel front oses-tu parler de la sorte ?
Dès qu’il y a quelque profit à faire, il n’y a point à hésiter[1].
Mais quel profit y a-t-il pour moi à l’emmener devant Troie ?
Ses flèches seules peuvent prendre Troie.
Ce n’est donc pas moi qui dois la renverser, comme vous le prétendiez ?
Tu ne peux vaincre sans ces flèches, ni ces flèches sans toi[2].
Il faut donc s’en emparer, s’il en est ainsi.
Si tu réussis, une double récompense t’est réservée.
Lesquelles ? Si je les connais, je n’hésiterai pas.
Tu aurais à la fois le renom d’habile et de brave.
Soit ! j’agirai, abjurant toute honte.
Te rappelles-tu les avis que je t’ai donnés ?
- ↑ Dans l’Électre, v. 61, Sophocle a dit aussi :
Δοκῶ μὲν οὺδὲν ῤῆμα σὺν κέρδει κακόν.« Aucune parole n’est de mauvais présage, si elle est utile. » Mais ici Ulysse
veut justifier par cette maxime une supercherie coupable ; dans l’Électre,
Oreste l’oppose à une vaine superstition. - ↑ Voyez plus bas, vers 1435, dans le discours d’Hercule, au dénoûment.