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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/393

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PHILOCTÈTE.

Oui, à toi, mon fils, et cet arc, et tout ce qui m’appartient, quelle que soit la chose qui te plaise !

NÉOPTOLÈME.

Oui, j’en ai le désir, mais le désir a ses bornes ; satisfais-le, si tu le crois permis ; sinon, n’en tiens nul compte.

PHILOCTÈTE.

Tes paroles sont pieuses, mon fils, et tes souhaits sont légitimes ; c’est à toi seul que je dois de contempler aujourd’hui la lumière du soleil, la terre de l’Œta, mon vieux père, mes amis ; j’étais abattu sous mes ennemis, et tu m’as relevé. Prends courage ; il te sera permis de toucher ces armes, de les manier, de les rendre à celui qui te les donne, et tu peux te vanter d’être le seul des mortels qui, par ta vertu, aies mérité de les toucher. Moi-même, c’est pour le prix d’un service que j’en devins possesseur. Je n’ai nul regret à ce que tu les touches, toi en qui j’ai trouvé un ami ; celui qui sait reconnaître les bienfaits est un ami plus précieux que tous les biens[1].

NÉOPTOLÈME.

Entre dans ta grotte.

PHILOCTÈTE.

Toi aussi, tu m’y suivras, car la violence de mon mal exige ton secours.



LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Je sais par la voix publique, mais sans l’avoir vu de mes yeux, que pour s’être approché de la couche de Jupiter, Ixion fut attaché par le fils tout-puissant, de Saturne à une roue qui tourne sans cesse[2] ; mais jamais je n’ai entendu citer de mortel plus maltraité par la destinée que Philoctète, qui, pur de violence et de fraude, mais juste entre tous les justes, est victime d’un

  1. Dindorf supprime ces trois derniers vers.
  2. Pindare, IIe Pythique, vers 39 et suivants, a raconté cette aventure d’Ixion.