Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/414

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LE CHŒUR.

Ton avis me plaît, il me plaît fort, et je suis tout disposé à le suivre ; allons, rendons-nous au poste assigné à chacun de nous sur le navire.

PHILOCTÈTE.

Au nom de Jupiter, exécuteur des malédictions, ne vous en allez pas, je vous en supplie.

LE CHŒUR.

Montre de la modération.

PHILOCTÈTE.

O étrangers, restez, au nom des dieux !

LE CHŒUR.

Pourquoi ces cris ?

PHILOCTÈTE.

Hélas ! hélas ! fatale destinée ! je suis perdu, malheureux ! Cruelle blessure[1] ! comment te supporterai-je désormais ? Revenez, ô mes hôtes, revenez[2].

LE CHŒUR.

À quoi bon revenir, si ce n’est pour recommencer ce que nous avons déjà fait par ton ordre[3] ?

PHILOCTÈTE.

Il faut pardonner à celui qu’égare une douleur orageuse, de délirer aussi quelquefois.

LE CHŒUR.

Viens donc, ô malheureux, comme nous t’y engageons.

PHILOCTÈTE.

Sache-le, ma résolution est inébranlable, non, jamais, jamais, dût Jupiter, qui lance le tonnerre[4], m’écraser de sa foudre ! Périssent Ilion et, parmi ceux qui l’as-

  1. Littéralement : « O mon pied, mon pied, que ferai-je de toi désormais dans la vie ? »
  2. Le Chœur partait, et Philoctète le rappelle.
  3. C’est-à-dire : « pourquoi faire ? pour te quitter encore, quand tu nous auras congédiés de nouveau ? »
  4. ᾽Αστεροπητής, épithète homérique. Iliade, I, 580. Dans le quatrième chant de l’Énéide, vers 25, Didon s’écrie :
    Vel pater omnipotens adigat me fulmine ad auras.