Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/421

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sang tu es issu, et que tu avais pour père, non Sisyphe[1], mais Achille, si renommé lorsqu’il était parmi les vivants, et maintenant si honoré chez les morts.

NÉOPTOLÈME.

Il m’est doux d’entendre de ta bouche l’éloge de mon père et le mien ; mais écoute ce que je désire obtenir de toi. Sans doute, il est nécessaire que les hommes supportent les accidents envoyés par les dieux ; mais se créer des maux volontaires, ainsi que tu fais, c’est se rendre indigne d’excuse et de pitié. Ton cœur est aigri et rejette les conseils ; si un ami te donne des avis bienveillants, tu le hais, et tu vois en lui un ennemi odieux. Je parlerai toutefois, en prenant Jupiter[2] à témoin de mes paroles ; toi, sache bien ceci, et grave-le au fond de ton cœur. Ce mal dont tu souffres t’a été infligé par les dieux, pour t’être approché du gardien de Chrysa, du serpent qui veille caché sur l’enceinte sacrée[3], qui n’est pas couverte. Tant que le soleil[4] se lèvera de ce côté et se couchera de l’autre[5], n’espère aucun soulagement à ton mal, avant de t’être rendu volontairement dans les champs de Troie, et là tu rencontreras les enfants d’Esculape qui sont dans notre camp, et qui te guériront, de ton mal, et tu renverseras Troie avec le secours de tes flèches, de concert avec moi. Veux-tu savoir comment ces événements me sont si bien connus ? écoute : un Troyen devenu notre prisonnier, le célèbre devin Hélénos, nous a clairement annoncé qu’il en devait être ainsi, et il ajouta encore, que, selon les arrêts du destin, cet été même, Troie entière devait être prise, et il s’offre de lui-même à périr,

  1. Sur Sisyphe ; voir ce qui a été dit au vers 417 et la note.
  2. ῍Ορκιον, qui préside aux serments.
  3. Voyez plus haut la note sur le vers 194, οἱκουρῶν ὄφις : allusion au culte de Minerve Pollas à Athènes. On nourrissait un serpent dans son temple.
  4. Αὐτὸς, « le même soleil. »
  5. Il y a ici un souvenir de la réponse d’Aristide aux envoyés de Mardonios, rapportée par Hérodote, VIII, 143 : « Tant que le soleil suivra la route qu’il suit aujourd’hui, les Athéniens ne feront jamais alliance avec Xerxès. » V. aussi Plutarque, Vie d’Aristide, c. 10.