Malheureux ! en quels embarras je me trouve !
Tu ne juges donc pas à propos d’obéir à ton père ?
Mais apprendrai-je donc, mon père, à faire une action impie ?
Il n’y a pas d’impiété à réjouir mon cœur.
Tu m’ordonnes donc absolument de le faire ?
Oui, je te l’ordonne, et j’en atteste les dieux !
Eh bien ! je le ferai, je ne résisterai plus, en prenant les dieux à témoin que tu me le commandes ; car jamais je ne saurais être coupable, en t’obéissant, mon père.
Tu parles enfin un digne langage ; ajoute à ces bienfaits, mon fils, la grâce de la promptitude ; pose-moi sur le bûcher avant que mes douleurs se raniment et que la fureur m’égare. Allons, hâtez-vous, enlevez-moi ; oui, voilà le terme de mes souffrances, c’est la fin de ma vie.
Rien n’empêche plus que tes ordres s’accomplissent, puisque tu le commandes, et que tu nous y contrains, mon père.
Allons, ô mon âme[1], endurcie par les souffrances,
avant que ce mal ne se réveille, mets à ma bouche un frein d’airain, et comprime tes cris, pour accomplir avec joie, toute pénible qu’elle est, cette dernière épreuve.
Enlevez-le, mes compagnons, lavez-moi de tout re-
- ↑ Platon, dans le Phédon, cite un passage de l’Odyssée, XX, v. 17, où Ulysse apostrophe aussi son cœur.