jour ; les vents, quand leur fureur s’apaise, calment à leur tour la mer mugissante ; et le sommeil, maître du monde, relâche ses chaînes et ne nous tient pas continuellement sous ses lois. Et nous, ne saurons-nous donc pas modérer nos passions ? Pour moi, je le saurai, j’ai appris tout récemment qu’il fallait haïr notre ennemi, comme s’il pouvait nous aimer un jour, je veux à mon tour aimer et servir mon ami comme s’il pouvait cesser de l’être[1] : en effet, pour la plupart des hommes, le port de l’amitié n’a rien de sûr. Mais, à cet égard, tout ira bien ; toi, femme, rentre, et prie soigneusement les dieux d’accomplir les vœux de mon cœur. Vous, compagnons, donnez-moi les mêmes marques d’affection, et quand Teucer sera venu, dites-lui de se souvenir de moi et de vous montrer une égale bienveillance. Pour moi, je vais où je dois aller ; vous, faites ce que je vous demande, et bientôt peut-être apprendrez-vous que, malgré le malheur qui m’accable à présent, je suis sauvé[2].
(Strophe.) J’ai tressailli de plaisir, et je vole sur les ailes de la joie. O Pan ! ô Pan ! qui parcours les mers du sommet des roches du Cyllène[3] couvert de neiges, apparais-nous, toi qui présides aux danses des dieux, viens figurer avec nous celles de Nysa et de Gnosse[4], qu’un instinct naturel t’a enseignées ! car à présent je veux figurer des danses. Qu’Apollon, roi de Délos, franchisse la
- ↑ Aristote (Rhet., II 11, 13 et 22) attribue cette maxime à Bias. (Voir aussi Cicéron, de Amic. 16.)
- ↑ Ces dernières paroles sont à double sens. Ajax fait allusion au coup mortel dont il veut se frapper, tandis que le Chœur les prend pour une assurance de salut.
- ↑ Principale montagne de l’Arcadie, où Pan était en honneur.
- ↑ À Nysa c’étaient les danses de Bacchus, à Gnosse celles des Corybantes.
Pan, deus Arcadiæ, venit.Plus haut, le Chœur l’appelle ἁλίπλαγκτε, qui parcourt les mers, parce qu’il avait des autels sur les promontoires, au dire des Scholiastes.