Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/55

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tant voulu parler encore, se prit tellement à rire, que tout son lit en trembloit. Pour ce qui est de la vieille, elle embrassa Francion aussi étroitement comme il l’embrassoit, et, pour répondre à ses caresses, le baisa de bon courage, étant bien aise de trouver une occasion qui ne s’étoit guère offerte à elle depuis la perte du pucelage de Vénus, à la naissance de laquelle je pense, tant elle avoit d’âge, que la pointe de ses attraits étoit déjà tout émoussée.

Mais le compagnon de lit de Francion la priva d’un si cher contentement, car il tira son gentil baiseur par le derrière de sa chemise, et puis après il le fit remettre au lit. Comment, monsieur, lui dit-il, votre Laurette ressemble à la même laideur, ou vous ne la connoissez guère bien, puisque vous prenez cette femme-ci pour elle ? Ah ! mon Dieu, répondit-il en se frottant les yeux, laissez-moi dormir ; que me voulez-vous dire ? Levez la tête, ajouta l’autre, et regardez qui est celle que vous avez embrassée. Comment ? qu’ai-je embrassé ? dit Francion en s’éveillant en sursaut, Eh ! comment, vous ne vous souvenez point de m’avoir tenue si longtemps entre vos bras, dit la vieille en souriant, et montrant deux dents qui étoient demeurées en sa bouche, comme les créneaux d’une vieille tour que l’on a battue en ruine. Oui, il est vrai, et si vous m’avez baisée et tout. Francion, l’ayant regardée autant que ses yeux chargés et assoupis lui pouvoient permettre, lui répondit : Ne te glorifie point de ce que j’ai fait ; car apprends que je prenois ta bouche pour un retrait des plus sales, et qu’ayant envie de vomir j’ai voulu m’en approcher, afin de ne gâter rien en cette chambre et de ne jeter mes ordures qu’en un lieu dont l’on ne pût accroître l’extrême infection. J’y eusse possible après décharge mes excrémens, en te tournant le derrière ; et, si j’ai touché à ton corps, c’est que je le prenois pour quelque vieille peau de parchemin que je trouvois bonne à torcher un trou où ton nez ne mérite pas de flairer. Ah monsieur, dit-il en se tournant vers le gentilhomme, vous me voulez donc persuader que j’ai caressé cette guenuche embéguinée ? Ne connoissez-vous pas qu’elle n’a rien qui ne soit capable d’amortir l’affection et de ressusciter la haine ? Ses cheveux serviroient plutôt aux démons pour entraîner les âmes chez Pluton qu’à l’amour pour les conduire sous ses lois. Si elle subsiste encore au