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en toute chose, en ses croyances, en sa famille, en ses biens, en son travail, en chacun de ses actes, asservi à la pluralité des suffrages, qui formaient la loi de l'État. Voilà, selon Montesquieu, la nature du gouvernement républicain dans la démocratie.

Ce gouvernement n’a pu s’établir que dans une société d’hommes où le sentiment profond de la solidarité sociale, la conception commune des intérêts et des besoins de la société, le dévouement égal de tous à la chose publique ont permis de fonder des institutions aussi contraires à l’instinct d’insubordination, d’égoïsme et de concupiscence que tout homme porte en soi. Ces conditions morales du gouvernement démocratique en constituent la raison d’être. C’est pourquoi Montesquieu conclut que le principe de ce gouvernement est la vertu et qu’il définit cette vertu : « l’amour de la république… l’amour des lois et de la patrie… l’amour de la patrie, c’est-à-dire l’amour de l’égalité ».

Cette vertu, qui a fondé les institutions, est seule capable de les soutenir. Les lois, en conséquence, doivent instruire les citoyens à la vertu et les contraindre à la pratiquer. L’omnipotence de l’État sur la famille, l’éducation forcée des enfants, le partage des terres, la limitation des héritages, les lois somptuaires forment l’esprit de ces législations écrasantes. Tout y dépend de cette maxime : « Le salut du peuple est la suprême loi. »

Cependant, malgré ces terribles remèdes, soit qu’on ne les ait point employés à temps, soit qu’on