Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/127

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rentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois. » Cette vue lui a suffi pour éclairer sa route, et, parmi nos plus érudits anthropologistes modernes, il n’en est pas un dont on puisse dire qu’il ait fait faire à la connaissance de l’homme social plus de progrès que Montesquieu.

Il considère les lois civiles, « dans le rapport qu’elles doivent avoir avec l’ordre des choses sur lesquelles elles statuent » : vaste tableau des efforts des hommes pour organiser les sociétés humaines. Ces chapitres mériteraient, beaucoup mieux que l’ouvrage de Voltaire, le titre d’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. De ce voyage qu’ils font l’un et l’autre à travers les annales de l’humanité, Voltaire dresse, comme on l’a dit très bien, « la carte sommaire » ; Montesquieu en compose le livre de raison. Il voit en profondeur ce que Voltaire n’a aperçu qu’en surface. Voltaire ne cherche point les « rapports nécessaires » des choses, il se plaît à signaler partout l’ouvrage du hasard : dans son acharnement à proscrire Dieu de l’histoire, il en bannit la logique, la conséquence, la conscience, et le jugement humain. Montesquieu les y ramène.

Il donne des conseils excellents sur la manière de composer et de rédiger les lois. On relèvera, dans les chapitres sur le droit privé, ses vues sur le divorce, dont il est partisan ; sur la contrainte par corps, qu’il veut supprimer en matière civile ; sur l’état civil, dont il est un des promoteurs ; sur l’expropriation, dont il a posé le principe. Il faut lui faire grand honneur de