Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/138

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sité du penseur. L’un et l’autre l’attiraient vers ces forêts mystérieuses d’où étaient sortis avec les Germains, ses prétendus pères, les éléments de la liberté politique. Il partit à la découverte. Le labeur était ardu, les investigations lentes et pénibles. « Il semble, disait-il, que tout est mer, et que les rivages même manquent à la mer. Tous ces écrits froids, secs, insipides et durs, il faut les lire, il faut les dévorer… » « C’est un beau spectacle que celui des lois féodales. Un chêne antique s’élève ; l’œil en voit de loin les feuillages ; il approche, il en voit la tige ; mais il n’en aperçoit point les racines : il faut percer la terre pour les trouver. »

Une controverse très vive, qui éclata, sur ces entrefaites, acheva de passionner Montesquieu pour ce travail. En 1727, cinq ans après la mort de leur auteur, parurent les Mémoires historiques du comte de Boulainvilliers sur les anciens gouvernements de la France. C’était la thèse de la conquête germanique et de la liberté par le régime des États généraux. Les conquérants qui avaient assujetti la Gaule, s’étaient, selon Boulainvilliers, donné, par le fait même de leur conquête, le droit et le devoir de contenir la royauté. L’abbé Dubos, secrétaire perpétuel de l’Académie française, soutint une thèse entièrement opposée dans son Histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules, qui parut en 1734. Pour lui, les Germains, peu nombreux d’ailleurs, étaient entrés dans les Gaules, non en conquérants, mais en alliés des Romains ;