Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/165

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contre la nature des choses ! Quelques-uns le sentirent : ce fut la revanche de Montesquieu, de l’histoire et de l’humanité. Les Girondins comprenaient que la république périssait pour avoir méconnu ses leçons. Tandis que Saint-Just parodiait ses maximes et faisait la caricature de ses images, Camille Desmoulins retrouvait, dans les Considérations sur les Romains, le secret de l’éloquence républicaine ; il empruntait à Tacite, à travers Montesquieu, ses plus éloquentes invectives contre la tyrannie. Les nobles, persécutés et décimés, recouvrèrent devant la guillotine cette fierté d’honneur, vertu des monarchies, que Montesquieu leur reprochait d’avoir abdiquée devant la couronne. Tout confirma les sombres pronostics qu’il avait portés sur la décadence des mœurs politiques en France ; ses jugements, jetés comme en passant sur « les sciences de spéculation qui rendent les hommes sauvages », et sur les terribles conséquences du despotisme qui s’établirait au milieu des ruines de la monarchie : « Dans cette belle partie du monde, la nature humaine souffrirait, au moins pour un temps, les insultes qu’on lui fait dans les trois autres. »

On revint à lui, quand on s’efforça de revenir à l’ordre, à la modération, à la liberté. Il y avait certainement beaucoup plus de son esprit dans la constitution de l’an III que dans celle de 1791. Quelques-uns de ses disciples furent appelés à siéger dans les assemblées : Portalis, Barbé-Marbois, Mathieu-Dumas, Siméon, Camille Jordan, et, dans le