Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sujets, procède entièrement de celle de Montesquieu. Il a écrit sa grande étude historique, l'Ancien régime et la Révolution, qui correspond aux Considérations sur les Romains ; il a composé sa Démocratie en Amérique qui est son Esprit des lois. Il a imprimé, dans la seconde moitié du siècle, aux études politiques et aux études historiques, une impulsion moins éclatante sans doute et moins avouée, mais aussi efficace et aussi féconde que celle que Guizot y a imprimée dans la première moitié. Par lui Montesquieu se rattache à la France contemporaine et y trouve encore ses prises. Elles y sont plus étendues qu’on ne serait tenté de le croire. C’est grâce à l’influence de cet esprit, tout historique et expérimental, dont les institutions et les mœurs se sont peu à peu pénétrées, que l’on a abandonné la mécanique rationnelle de Sieyès, pour adopter la mécanique appliquée des praticiens ; que la république est devenue parlementaire, et qu’elle s’est établie en France par l’effet de la constitution la plus sommaire en son texte, la plus coutumière en ses applications, la plus naturellement issue des mœurs et de la force des choses que la France ait encore possédée.

L’influence que Montesquieu a exercée en Europe égale celle qu’il a exercée en France. On l’aperçoit partout, dès la fin du siècle dernier. C’est le génie même de l'Esprit des lois qui semble inspirer, dans l’œuvre de régénération de sa patrie d’adoption, le plus grand homme d’État que l’Allemagne ait enfanté. Jamais la ruine d’un gouvernement par la corrup-