Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/28

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blicaine qui vient directement de Rome : « J’ai vu de loin, dans les livres de Plutarque, ce qu’étaient les grands hommes. » Il a rapporté de ce commerce avec les anciens l’instinct des grandes choses, la force de l'âme, le culte des vertus politiques dont la tradition se perdait autour de lui et qu’il ne contribua pas médiocrement à restaurer en France. Il a la haine du dénigrement et le goût de l’admiration ; il se compose une galerie de grands hommes nationaux, « de ces hommes rares qui auraient été avoués des Romains », de ceux dont on peut dire, comme de Turenne, que leur vie « a été un hymne à la louange de l’humanité ». Ses plus belles pages sont des portraits de fondateurs d’empires.

Il est avant tout, et par-dessus tout, citoyen. « N’est-ce pas un beau dessein que de travailler à laisser après nous les hommes plus heureux que nous ne l’avons été ? » « J’ai eu naturellement de l’amour pour le bien et l’honneur de ma patrie… j’ai toujours senti une joie secrète lorsqu’on a fait quelque règlement qui allait au bien commun. » Il cherche ce bien commun ; il aurait aimé à y travailler, c’eût été sa gloire, et l’on voit qu’il a envié cette gloire un instant. La cour le dédaigna. Il en fut blessé. L’amertume qu’il en garda se traduit en traits qui, pour le sentiment et l’expression, rappellent La Bruyère : « J’ai eu d’abord pour la plupart des grands une crainte puérile ; dès que j’ai eu fait connaissance, j’ai passé presque sans milieu jusqu’au mépris. » « Je disais à un homme : Fi donc ! vous