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CHAPITRE II

LES LETTRES PERSANES

Louis XIV vient de disparaître ; il a fini dans une sorte de sombre et majestueux coucher de soleil. Les contemporains ne s’arrêtent point à admirer le crépuscule d’un grand règne. Ils sont tout à la joie de l’affranchissement. Personne ne regrette le roi ; il a trop durement imposé à tous les Français « cette dépendance qui a tout assujetti ». « Les provinces, au désespoir de leur ruine et de leur anéantissement, respirèrent et tressaillirent de joie, dit Saint-Simon ; les parlements et toute espèce de judicature, anéantie par les édits et par les évocations, se flatta, les premiers de figurer, les autres de se trouver affranchis. Le peuple, ruiné, accablé, désespéré, rendit grâces à Dieu, avec un éclat scandaleux, d’une délivrance dont ses plus ardents désirs ne doutaient plus. » Dans le monde où vivait Montesquieu, parmi les beaux-esprits et les esprits forts, on ne songea point, comme dans le petit peuple, à rendre grâces à