Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/61

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Tacite, dont il s’inspira au point de l’égaler par instants, Florus, son maître de rhétorique et ses délices, avaient montré la suite et la conséquence des affaires romaines ; mais l’idée d’une loi générale et supérieure n’entrait pas dans leurs esprits. Machiavel, dans ses Discours sur Tite-Live demeure au même point de vue. Il est tout empirique, et s’occupe moins de grouper les événements que d’en tirer la leçon, « Le hasard, dit-il, ne gouverne pas tellement le monde que la prudence n’ait quelque part à tout ce que nous voyons arriver. » Grossir cette part, à force de calcul et d’adresse, et s’instruire dans cet art à l’école des anciens, voilà ce qu’il se propose. Les causes lui importent peu, les institutions ne l’occupent guère, la différence des temps ne le frappe point : il analyse les faits et en tire des recettes pour mener les hommes. L’histoire n’est pour lui que cette grande « pharmacie politique », dont parlait Mirabeau, après une méditation trop prolongée du Prince.

Machiavel était un politique, et il avait trempé dans les révolutions. Saint-Évremond n’avait guère fait que les traverser en curieux et en aventurier. Dans ses Réflexions sur les divers génies du peuple romain, il se préoccupe surtout des hommes et de leurs caractères. Le lien lui échappe. Bossuet le découvre du premier coup. Rome, par sa suite, son concert, le cours constant et régulier de son histoire, convenait à la majestueuse logique de son génie. Personne n’a égalé Bossuet dans le développement de