Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/73

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révolution qui va transformer le vieux monde ne le frappe point. Au contraire, à mesure qu’il avance dans le tableau de L'empire, les questions économiques prennent de plus en plus de place dans son livre. C’est qu’il possède un document, le Digeste, et qu’il en a tiré, avec l’intelligence des lois de la Rome impériale, le sentiment de la vie de la vie société romaine. Ses vues sur les révolutions du commerce, les crises monétaires, l’abus des impôts, l’abandon des terres qui en est la conséquence, la ruine des administrations provinciales, sont autant de nouveautés qui lui appartiennent et qui demeurent acquises à l’histoire.

Les chapitres sur Byzance ne sont guère qu’un aperçu et un sommaire ; mais c’est un aperçu de génie et le sommaire d’un chef-d’œuvre. Il faut, pour en apprécier la valeur et l’originalité, les comparer aux chapitres correspondants de l'Essai sur les mœurs. Le tissu grêle de Voltaire fait ressortir toute la vigueur de la trame de Montesquieu. Il est impossible de ne point soupçonner quelque allusion aux querelles théologiques du XVIIIe siècle, dans l’ironie avec laquelle Montesquieu parle de l’Église de Byzance et de ses disputes. Justinien, avec ses prétentions à l’unité de loi, à l’unité de règne, à l’unité de foi, emprunte plus d’un trait à Louis XIV. « Il crut avoir augmenté le nombre des fidèles ; il n’avait fait que diminuer celui des hommes. » La comparaison est plus directe entre les luttes des Musulmans avec les Grecs, et celle des