Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/96

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tions, on agira comme en Angleterre ou à Versailles. Il a désiré que chacun pût approprier les types qu’il présentait, à des espèces différentes ; que l’on ne sût point exactement où l’on était : à Rome, à Athènes, à Sparte, mais que l’on se sentit seulement en présence de la démocratie et au sein de la république ; qu’on reconnût les traits de l’Espagne, à côté de ceux de la France dans la peinture de la monarchie, que ce ne fût cependant ni l’Espagne même, ni la France, et que ce fussent les conditions communes de l’une et de l’autre. Il s’est proposé qu’il en advînt de tout son ouvrage comme de tel chapitre du livre XIII, « Comment on peut remédier à la dépopulation ». Lisez-le en vous tournant vers le sud, et levez les yeux, vous reconnaîtrez l’Espagne ; tournez-vous vers l’est, et vous croirez découvrir la Pologne. Le fait est que l’exemple est pris en plusieurs pays à la fois, que la conclusion est générale et que la leçon s’applique aussi bien à ces nations qu’à toutes celles qui se trouveraient dans le même cas.

Montesquieu, en un mot, a fait œuvre classique. Il ne suit pas les gouvernements dans leur développement historique et dans leurs révolutions successives ; il les fait voir arrêtés, complets, définitifs et comme ramassés sur eux-mêmes de toutes les époques de leur histoire. Point de chronologie ni de perspective ; tout est placé sur un même plan. C’est l’unité de temps, de lieu et d’action portée du théâtre dans la législation. Montesquieu n’envisage que les lois, leur objet, leur influence, leur destinée ; le reste