Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/120

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révolutionnaire, le prépare à supprimer la classe ennemie. La force capitaliste est à la base de tout ce processus, et elle agit d’une manière impérieuse[1]. Marx supposait que la bourgeoisie n’avait pas besoin d’être excitée à employer la force ; nous sommes en présence d’un fait nouveau et fort imprévu : une bourgeoisie qui cherche à atténuer sa force. Faut-il croire que la conception marxiste est morte ? Nullement, car la violence prolétarienne entre en scène en même temps que la paix sociale prétend apaiser les conflits ; la violence prolétarienne enferme les patrons dans leur rôle de producteurs et tend à restaurer la structure des classes au fur et à mesure que celles-ci semblaient se mêler dans un marais démocratique.

Non seulement la violence prolétarienne peut assurer la révolution future, mais encore elle semble être le seul moyen dont disposent les nations européennes, abruties par l’humanitarisme, pour retrouver leur ancienne énergie. Cette violence force le capitalisme à se préoccuper uniquement de son rôle matériel et tend à lui rendre les qualités belliqueuses qu’il possédait autrefois. Une classe

  1. Dans un article de septembre 1851 (le premier de la série publiée sous le titre : Révolution et contre-révolution), Marx établit le parallélisme suivant entre les développements de la bourgeoisie et du prolétariat : à une bourgeoisie nombreuse, riche, concentrée et puissante, correspond un prolétariat nombreux, fort, concentré et intelligent. Il semble donc que l’intelligence du prolétariat dépende des conditions historiques qui assurent la puissance à la bourgeoisie dans la société. Il dit encore que les vrais caractères de la lutte de classe n’existent que les pays où la bourgeoisie a refondu le gouvernement conformément à ses besoins.