Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/124

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était commencé depuis longtemps et n’avait point marché d’un pas exceptionnellement rapide sous son influence[1].

Il est certain que Napoléon n’a pas eu un effort extraordinaire à accomplir pour remettre le pays sur un pied monarchique. Il a reçu la France toute prête et n’a eu qu’à faire quelques corrections de détail pour profiter de l’expérience acquise depuis 1789. Les lois administratives et fiscales avaient été rédigées, pendant la révolution, par des gens qui avaient appliqué les méthodes de l’Ancien Régime ; elles subsistent encore aujourd’hui d’une manière à peu près intacte. Les hommes qu’il employa avaient fait leur apprentissage sous l’Ancien Régime et sous la révolution ; tous se ressemblent ; tous sont des hommes du vieux temps par leurs procédés de gouvernement ; tous travaillent, avec une égale ardeur, pour la grandeur de Sa Majesté[2]. Le véritable mérite de Napoléon fut de ne pas trop se fier à son génie, de ne pas se laisser aller aux rêves qui avaient, tant de fois, égaré les hommes du xviiie siècle et les avaient conduits à tout vouloir régénérer de fond en comble, — en un mot, de bien reconnaître le principe de l’hérédité historique. Il résulte de là que le régime napoléonien peut être regardé comme une expérience mettant en évidence le rôle énorme de la conservation à travers les plus grandes révolutions.

  1. Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution. pp. 60-62.
  2. C'est à cette conclusion qu'aboutit aussi L. Madelin dans un article des Débats du 6 juillet 1907 sur les préfets de Napoléon Ier.