Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/286

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Je ne crois pas me tromper en disant que cette tactique de partisans de l’Église a été la cause principale de toutes les mesures que nous voyons prendre contre le catholicisme depuis 1901 : la bourgeoisie libérale n’aurait jamais accepté ces mesures si elle n’avait été encore sous l’influence de la peur qu’elle avait ressentie durant l’affaire Dreyfus ; — le grand argument que Clemenceau a employé pour exciter ses troupes au combat contre l’Église, était celui de la peur : il ne cessait de dénoncer le péril que la faction romaine faisait courir à la République : les lois sur les congrégations, sur l’enseignement, sur le régime des Églises ont été faites en vue d’empêcher le parti catholique de reprendre les allures belliqueuses qu’il avait eues et qu’Anatole France rapprochait si souvent de celles de la Ligue : ce sont des lois de peur. Beaucoup de conservateurs ont si bien senti cela qu’ils ont vu, avec déplaisir, les résistances opposées récemment aux inventaires des églises ; ils ont estimé que l’emploi des bandes d’apaches pieux devait avoir pour résultat de rendre la classe moyenne plus hostile à leur cause[1] ; on n’a pas été peu surpris de voir Brunetière, qui avait été un des admirateurs des apaches antidreyfusards, conseiller la soumis-

  1. Dans la séance du Conseil municipal de Paris en date du 26 mars 1906, le préfet de police a dit que la résistance fut organisée par un comité siégeant 80, rue de Richelieu, qui embauchait des apaches pieux à raison de 3 à 4 francs par jour. Il a prétendu que 52 curés de Paris lui avaient promis soit de faciliter les inventaires, soit de se contenter d'une résistance passive. Il a accusé les politiciens catholiques d'avoir forcé la main au clergé.