Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/294

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ancien maire du xie arrondissement et gambettiste, disait que les syndicats tueraient les grèves ; il croyait que les révolutionnaires étaient sans influence sérieuse sur les ouvriers organisés et voyait dans l’école primaire un moyen certain de faire disparaître le socialisme ; comme presque tous les opportunistes de ce temps, il était beaucoup plus préoccupé des noirs que des rouges. Yves Guyot lui-même ne semble pas avoir été beaucoup plus perspicace que Waldeck-Rousseau ; car, dans sa Morale (1883), il regarde le collectivisme comme étant seulement un mot ; il dénonce la législation existante qui « a pour but d’empêcher les ouvriers de s’organiser pour vendre leur travail au plus haut prix possible, pour débattre leurs intérêts », et il s’attend à ce que les syndicats aboutiront « à organiser la vente du travail en gros ». Les curés sont très violemment attaqués par lui et la famille Chagot est dénoncée parce qu’elle force les mineurs de Montceau à aller à la messe[1]. Tout le monde comptait alors sur l’organisation ouvrière pour détruire l’autorité du parti clérical.

Si Waldeck-Rousseau avait eu l’esprit de prévision un peu développé, il aurait surtout aperçu le parti que les conservateurs ont essayé de tirer de la loi sur les syndicats en vue de restaurer dans les campagnes la paix sociale sous leur direction. Il y a quelques années on a dénoncé le péril que faisait courir à la République la

  1. Y. Guyot, Morale, p. 293, pp. 183-184, p. 122, p. 148 et p. 320.