et lui donne assez de lustre pour entraîner dans la société quelques pâles imitations.
Lorsque l’on considère un état moins accentué de la morale chrétienne, on est encore frappé de voir à quel point elle dépend des luttes. Le Play, qui était un excellent catholique, a souvent opposé (au grand scandale de ses coreligionnaires) la solidité des convictions religieuses qu’il rencontrait dans les pays à religions mélangées à l’esprit de mollesse qui règne dans les pays exclusivement soumis à l’influence de Rome. Chez les peuples protestants, il y a d’autant plus d’ardeur morale que l’Église établie est plus fortement battue en brèche par les sectes dissidentes. Nous voyons ainsi que la conviction se fonde sur la concurrence de communions, dont chacune se considère comme étant l’armée de la vérité ayant à combattre les armées du mal. Dans de telles conditions, il est possible de trouver du sublime ; mais quand les luttes religieuses sont très atténuées, le probabilisme, les rites mécaniques et les procédés d’allure magique tiennent la première place.
Nous pouvons relever des phénomènes tout semblables dans l’histoire des idées libérales modernes. Pendant longtemps, nos pères considérèrent d’un point de vue presque religieux la Déclaration des droits de l’homme qui nous semble aujourd’hui n’être qu’un recueil assez fade de formules abstraites, confuses et sans grande portée pratique. Cela tient à ce que des luttes formidables étaient engagées à propos des institutions qui se rattachaient à ce document ; le parti clérical prétendait démontrer l’erreur fondamentale du libéralisme ; il organisait partout des sociétés de combat destinées à impo-