Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/362

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Le même esprit se retrouve dans les groupes ouvriers qui sont passionnés pour la grève générale ; ces groupes se représentent, en effet, la révolution comme un immense soulèvement qu’on peut encore qualifier d’individualiste : chacun marchant avec le plus d’ardeur possible, opérant pour son compte, ne se préoccupant guère de subordonner sa conduite à un grand plan d’ensemble savamment combiné. Ce caractère de la grève générale prolétarienne a été, maintes fois, signalé et il n’est pas sans effrayer des politiciens avides qui comprennent parfaitement qu’une révolution menée de cette manière supprimerait toute chance pour eux de s’emparer du gouvernement. Jaurès, que personne ne songera à ne pas classer parmi les gens les plus avisés qui soient, a très bien reconnu le danger qui le menace ; il accuse les partisans de la grève générale de morceler la vie et d’aller ainsi contre la révolution[1]. Ce charabia doit se traduire ainsi : les syndicalistes révolutionnaires veulent exalter l’individualité de la vie de producteur ; ils vont donc contre les intérêts des politiciens, qui voudraient diriger la révolution de manière à transmettre le pouvoir à une nouvelle minorité ; ils sapent les bases de l’État. Nous

    tés les plus nobles de l’homme, dans les circonstances les plus difficiles et les plus tragiques, la pensée, l’âme humaine dans la plénitude de toute la puissance que Dieu, le Dieu des armées, lui a concédée pour la défense et le triomphe des nobles causes » (Commandement et obéissance, pp. 14-19 et p. 37). Ce général a été l’un des chefs les plus éminents de notre cavalerie ; cette arme paraît avoir conservé un sentiment de la guerre bien supérieur à celui qui demeure dans les autres armes.

  1. Jaurès, Études socialistes, pp. 117-118.