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Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/371

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supérieur, qui semblent être demeurés toujours confondus dans la masse des compagnons ; ils ne produisaient pas moins des chefs-d’œuvre. Viollet-Le-Duc trouvait étrange que les archives de Notre-Dame ne nous aient pas conservé de détails sur la construction de ce gigantesque monument et qu’en général les documents du moyen âge soient très sobres de notices sur les architectes ; il ajoute que « le génie peut se développer dans l’ombre et qu’il est de son essence même de rechercher le silence et l’obscurité »[1]. On pourrait même aller plus loin et se demander si les contemporains se doutaient que ces artistes de génie élevaient des édifices d’une gloire impérissable ; il me paraît très vraisemblable que les cathédrales n’étaient admirées que par les seuls artistes.

Cet effort vers le mieux qui se manifeste, en dépit de l’absence de toute récompense personnelle, immédiate et proportionnelle, constitue la vertu secrète qui assure le progrès continu dans le monde. Que deviendrait l’industrie moderne s’il ne se trouvait d’inventeurs que pour des choses qui doivent leur procurer une rémunération à peu près certaine ? Le métier d’inventeur est bien

  1. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française tome IV. pp. 42-43. Ceci n’est pas eu contradiction avec ce qu’on lit à l’article « architecte » ; on y apprend que les constructeurs inscrivaient souvent leur nom dans les cathédrales (tome I, pp. 109-111) ; on a conclu de là que ces œuvres n’étaient pas anonymes (Bréhier. Les églises gothiques, p. 17) ; mais que disaient ces quelques inscriptions aux gens de la ville ? Elles ne pouvaient avoir d’intérêt que pour les artistes qui venaient plus tard travailler dans le même édifice et qui connaissaient les écoles.