Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/398

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droit, au jugement de ces docteurs, d’accuser la Providence de manquer de sagesse si elle ne leur assurait pas normalement les moyens de jouir de tous les avantages que doivent procurer l’Église et l’État ; ces avantages ne sauraient être obtenus que si une harmonie parfaite règne entre les deux pouvoirs ; on conclut de ces prémisses que l’harmonie existera chaque fois que des abus ne viendront pas troubler le véritable ordre des choses que le raisonnement a découvert.

Cette heureuse harmonie avait été regardée comme dérivant naturellement des institutions, durant les temps qui suivirent la Contre-réformation et la consolidation des trônes. La monarchie était alors le gouvernement ordinaire des sociétés civilisées[1] ; l’harmonie ne pouvait manquer de produire ses bienfaits si les rois avaient, au même degré que les chefs de la hiérarchie chrétienne, une claire conscience de la lourde responsabilité qui pèserait sur eux en cas de conflit. Il suffisait, pensait-on que les hommes appelés à élever les princes s’appliquassent à leur inspirer pour l’épiscopat des sentiments analogues à ceux que Théodore éprouvait pour saint Ambroise.

L’histoire de l’Église au cours du xixe siècle n’a pas été favorable à la doctrine de l’harmonie ; il y a eu, presque constamment, de graves difficultés entre les autorités ecclésiastiques et les gouvernements qui se sont succédés en France ; les préoccupations du temps présent

  1. Dans la première moitié du xviiie siècle, Vico croyait que l’Angleterre était appelée à devenir une monarchie pure (Michelet, Œuvres choisies de Vico. p. 629).