Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/93

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savoir si on ne pourrait pas artificiellement relever les valeurs. La politique sociale se pratique exactement de la même manière : le 27 juin 1905, le rapporteur d’une loi sur la durée du travail dans les mines disait, à la chambre des députés : « Au cas où l’application de la loi donnerait des déceptions aux ouvriers, nous avons pris l’engagement de déposer sans tarder un nouveau projet de loi. » Cet excellent homme parlait exactement comme un rapporteur d’une loi de douane.

Il ne manque pas d’ouvriers qui comprennent parfaitement que tout le fatras de la littérature parlementaire ne sert qu’à dissimuler les véritables motifs qui dirigent les gouvernements. Les protectionnistes réussissent en subventionnant quelques gros chefs de parti ou en entretenant des journaux qui soutiennent la politique de ces chefs de parti ; les ouvriers n’ont pas d’argent, mais ils ont à leur disposition un moyen d’action bien plus efficace ; ils peuvent faire peur et, depuis quelques années, ils ne se privent pas de cette ressource.

Lors de la discussion de la loi sur le travail des mines, il a été plusieurs fois question des menaces adressées au gouvernement : le 5 février 1902, le président de la commission disait à la chambre que le pouvoir avait prêté « une oreille attentive aux bruits du dehors, (qu’il avait été) inspiré par un sentiment de généreuse bienveillance en laissant arriver jusqu’à lui, quel qu’en fût le ton, les revendications ouvrières et le long cri de souffrance des ouvriers mineurs. » Un peu plus tard, il ajoutait : « Nous avons fait une œuvre de justice sociale,... une œuvre de bonté aussi, en allant à ceux qui peinent et qui souffrent comme des amis uniquement désireux de travailler dans