Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
le vampire.

— À quel endroit, s’il vous plaît ?…

— À Beaulac, un nom affreux.

— Mais c’est un lieu très pittoresque.

— Non, non, plat comme la main.

— Sur les rives du Ciron. C’est très romanesque.

M. de Rolleboise, prenez pitié de moi !… Et, surtout… surtout, pas un mot à Paris sur cela… autrement je nie tout… Et je me coupe la gorge avec vous… ainsi qu’avec monsieur…

— Mais, vous êtes vraiment étrange ! — s’exclama en riant Horatio, — comment, vous ne tiendriez donc pas à être le héros d’un petit in-octavo ?

— Savez-vous bien, monsieur, que mon carrossier a enlevé sa femme pour l’épouser, que mon tailleur a été presqu’empoisonné par son fils !… Le bizarre aujourd’hui est l’ordinaire, l’exception la généralité, le distingué l’incolore

— Hélas ! le vicomte ne dit que trop vrai !… Nos mœurs sont tellement remuées et rebrassées par les ferments du siècle qu’on n’oserait avancer, qu’il n’y a pas un drame dans toute existence si calme que paraisse sa surface. Interrogez l’inconnu qui traverse la foule, il vous dira un poignant récit ; la femme qui rit follement dans une fête sent son cœur haché par les dents de fer de la jalousie, et renferme en elle un épisode torturant peut-être ; écoutez cette clameur lointaine, ce bruit vague qui trouble tout à coup votre silence, c’est un affreux dénouement qui s’accomplit, c’est une malœuvre surgie de l’enfer qui tombe sur une tête maudite. — Et, si, même, nous voulons descendre plus bas dans le réalisme de la vie. Prenons un journal, cette somme des événements