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le vampire.

elle, je ne suis plus rien. Ah ! ah ! dérision !… Oui, je le vois, au physique comme au moral, tout, chez moi, conspire contre la femme. Le ciel m’a frappé d’un sceau de malédiction ! il m’a jeté sur la terre, fatal, incomplet, pour que je fusse mauvais. J’accomplis ma destinée !

Horatio se tut un instant. Les lignes de son visage s’adoucirent presque, un sourire désappris effleura ses lèvres, et il se dit lentement avec une mélancolie amère :

— Et, cependant, jeune enfant, je rêvais aux choses inconnues, à un sourire de femme, à une lecture d’amour ! J’étais beau… beau comme un adolescent de l’Albane, et je croyais !… Puis, un jour, j’aimai ; mais, l’on ne m’aima pas !… Cette heure fut pour moi toute une révélation ! Chose capricieuse et fantasque que le cœur de la femme ! Désir inconnu, rêve incertain toujours, monstrueux quelquefois !… Oui, je compris alors la vie humaine !… Aux cœurs faux, aux corps ridicules se confient les jeunes femmes ! Il y a sans doute, pour elles, dans ces contrastes immondes, en ces formes disparates, des joies brûlantes de voluptés non soulevées !… Puis, je me demande souvent si, sur le seuil de la vie, le mauvais ange, pour se gaudir aux spectacles bizarres, ne dépose pas dans l’oreille de ces hommes manqués un mot magique, un charme perfide pour attirer et conquérir la femme. Ces accouplements bouffons doivent le réjouir ! Eh bien ! moi aussi, je veux me donner de ces spectacles hideux, de ces joies infernales ! Ah ! ah ! oui, on ne voulut pas m’aimer, et, de rage, je fus méchant ! Je tordis mon cœur et le châtrai ! Ah ! quelles ivresses splendides je ressens en moi devant les tortures sanglantes, les angoisses poignantes d’une femme !… Mais, hélas ! j’ai