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le vampire.

Amadeus était bon !… Navrant spectacle que l’humanité ! À ceux qui veulent réussir se présente un mauvais génie qui ne les trompe jamais, une voix fatale qui leur souffle des paroles blandissantes et fausses, une main qui, les harponnant dans l’abîme des destinées perdues, les fait sourdre au-dessus de la foule inclinée !… Ah ! quand un homme parait à la surface, ne lui demandez pas d’où il vient, ne cherchez pas les traces de son passage !… Pour être complet, pour réunir en soi tous les moyens, toutes les forces, toutes les puissances, il ne faut que deux choses, la beauté et le mal. Je suis beau, je suis mauvais. J’ai un visage, je n’ai pas de cœur. J’ai renversé les hommes et leurs œuvres, j’ai marché bravement dans une voix magnifique et funeste, à chaque pas foulant une affection, détruisant une espérance, laissant derrière des douleurs et des cris, et, maintenant, la nature se présente contre moi à son tour. Eh bien ! je violenterai la nature, je jetterai un défi à son impuissance !… Ah ! je me complais dans ces luttes, ce sont des enivrements factices qui me réveillent un jour, me font peut-être plus mauvais, et, plus je serai mauvais, plus je serai fort !…

Horatio, comme tous les hommes à volonté puissante, s’arrêta tout à coup de parler, et aussitôt son visage retomba calme.

Il vint pensif s’appuyer contre la croisée, le regard errant au dehors à l’aventure.

Devant lui s’étendait le jardin de son hôtel. C’était une matinée assez claire ; et, même, un rayon de soleil étant parvenu, on ne sait comme, à se faufiler par le trou d’un nuage, éclairait un quartier de Londres. Il réjouissait les