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le vampire.

Il n’y avait plus qu’une loge de vide, la plus grande de toutes, ils s’y attablèrent.

Ah ! commençons par la femme, non par courtoisie, mais simplement pour commencer par quelque chose.

Elle toussait fréquemment, peut-être avec dessein. Sa respiration passait bruyante, courte. Le mal et le gin l’avaient rabougrie, ratatinée, atrophiée comme ces cadavres desséchés d’une famille morte par le poison, et qu’on montre dans l’ossuaire des caveaux Saint-Michel, à Bordeaux. Elle pouvait avoir soixante-dix ans comme elle pouvait n’en avoir que vingt-cinq ; elle était coiffée d’un chapeau malheureux. Oh ! la vue de ces chapeaux anglais a toujours été pour moi une grande joie.

Je me suis souvent demandé : d’où vient-il ? Où est le jour où, impatiente, on l’attendait pour une brillante promenade à Hyde-Park, pour une fête à Windsor !

L’odyssée d’un chapeau anglais est étrange.

Peut-être a-t-il vu le jour dans Belgrave-square et couronné une belle blonde tête de pairesse. Puis, un soir de christmass, ne fut-il pas appelé à embellir un riant visage de camériste de frérie dans City-Road ? Un matin, je crois m’en souvenir, ne m’est-il pas apparu, après bien des vicissitudes et des transformations, sur la tête éveillée de quelque soubrette du théâtre Adelphi ? Oui, c’est cela, la nuit, aussi gai que sa maîtresse, il eut fantaisie d’une tasse de thé et la reçut… Hélas ! depuis ce médianoche, son étoile pâlit !… Il pleura ses fleurs, ses rubans ; l’aspect terne et froissé de son bavolet le désola ! Cependant, on l’aperçut encore en partie carrée, voire même cubique, à Greenwich. Il coiffait, dit-on, ce jour-