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le vampire.

ment moral. Le monde le perdit de vue. La solitude s’en empara, Cette solitude brutale de Paris qui travaille si violemment ceux qui s’y plongent et les rend après idiots ou forts,

Un jour Robert sortait des galeries du Palais-Royal ; il était pensif et morose. Heures tristes où la pensée pèse sur le cerveau de tout le poids de la raison, moments où le bruit incommode, où la foule gène.

Les voitures se croisaient ardentes et rapides. Robert se jeta dans la rue de Valois. Ce quartier sombre, ce pâté de maisons déchiré de trois ou quatre impasses tortueuses dans lesquelles on n’ose s’aventurer, le distraya. Son regard inquisitif et curieux cherchait à pénétrer dans les allées obscures, à deviner l’intérieur de ces demeures enfumées. Il se complut à cette tranquillité soudaine. Sa marche était lente, sa tête se balançait rêveuse. Un visage apparut à une fenêtre. Le regard de Robert tomba sur ce visage. C’était une femme.

Indubitablement, il existe une affinité réelle, une tendance de rapprochement entre certains êtres. Il est une loi fatidique qui nous régit et que nous nommons le hasard, une attraction mystérieuse et occulte qui nous conduit. Robert subissait cette influence lorsque le lendemain, à la même heure, il traversait la même rue, la rue des Quinze-Vingt. Il n’avait point pensé à cette tête, n’avait point attendu le moment pour sortir ; mais, n’importe, tout en rêvant à d’autres sujets, ses pas le conduisirent à cette même place. Pourquoi cette femme s’accouda-t-elle, elle aussi, juste quand il passa ? Par habitude, peut-être.

Robert fit la remarque que c’était une jeune tête.