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le vampire.

Pendant mes cris et mes prières, la duchesse s’était emparée de cordes, et, montée sur la table, elle en attachait une à une grosse poutre. À l’extrémité qui pendait à la hauteur de sa tête elle fit un nœud ouvert en lacet.

— Je vais te pendre ! dit-elle froidement.

Je gémissais et suppliais toujours. Oh ! ce devait être un spectacle bien affreux et bien déchirant, car ma bourrelle s’arrêta un moment de ses apprêts pour jeter sur moi un regard où l’indécision se lisait. J’eus une lueur d’espoir. Je demandai une autre mort ; je promis de me retirer du siècle et d’aller en France mourir dans un couvent. La duchesse m’écoutait. Mais tout à coup elle se pencha sur la table, emplit un verre de liqueur, but, et éclata de rire.

Mon espérance s’éteignit ; j’étais perdue !…

Devant l’impitié de cette femme, mon cœur se glaça. Ma dernière pensée de secours enfuie, je baissai la tête sous le poids de ma destinée et m’adressai à Dieu. Hélas ! je ne sais encore si je dois dire qu’en m’arrachant à la mort vers laquelle m’entraînait la compagne de mon père, Dieu me sauva !…

Pendant ma prière intérieure, je m’en souviendrai toujours, il se fit un silence soudain qui m’impressionna. Au dehors la tourmente se tut ; en face de moi, sur la table, Ophélia de Kockburns cessa son rire. Dans ce silence, une voix secrète partie de mon ame me dit que le ciel m’écoutait, et un reflet d’espérance éclairé par la foi naquit en moi.

À ce point de son récit, la jeune fille s’arrêta. Sa pensée se plut à suivre à la dérive un suave souvenir retrouvé dans les détails de ce drame épouvantable. Après un